Avec Hal Jordan : Green Lantern, Grant Morrison revient au source du personnage, en multipliant des ambiances très différentes, sans génie. L’occasion aussi pour Liam Sharp de s’éclater avec la SF et l’horreur.
■ par JB
L’heure est grave : Hal Jordan est rappelé par les Gardiens sur la Nouvelle OA. Ceux-ci ont découvert des modifications sur le Grand Livre d’Oa, réalisées à leur insu. Un traître sévit dans les rangs des Green Lantern. Cependant, Jordan a peu de temps pour cela. En effet, l’évasion du criminel génocidaire Evil Star et la disparition de la Terre requièrent toute son attention et risquent de pousser Jordan à bout.
Les Experts : Secteur 2814.1
Lors de la sortie de la série Hal Jordan : Green Lantern, Grant Morrison a fait circuler une lettre d’intention. Son objectif était de s’éloigner de la surenchère dans l’épique qui caractérise les séries Green Lantern depuis des années. Au contraire, il voulait revenir à une dimension plus réduite, et refaire de Green Lantern un véritable policier de l’espace. De fait, Hal Jordan est ici lancé sur plusieurs enquêtes : le vol d’un objet donnant à ses propriétaires une chance insolente ; une évasion ; le trafic d’êtres humains à échelle planétaire. Les poncifs reçoivent une version cosmique. Hal Jordan mène un interrogatoire avec la bonne vieille méthode du bon flic/méchant flic. Lorsqu’il dépasse les bornes, ses supérieurs lui ordonnent de rendre son badge, ici son anneau. Jordan est alors tenté de rejoindre le privé, les Blackstars.
Des ambiances variées
Cependant, Hal Jordan : Green Lantern dépasse la simple parodie de polars. Chaque numéro offre un nouveau cadre. La 1re histoire ressemble à un road movie, avec le héros arpentant les routes des États-Unis. La 3e partie du numéro rappelle Ben-Hur, avec ses esclavagistes et sa galère cosmique. L’on passe ensuite à une histoire gothique : Hal Jordan doit subir des épreuves dans une planète de vampires extraterrestres. Green Lantern se retrouve enfin sur la planète désertique de Rann pour un duel au soleil avec une vieille connaissance façon western. Ces diverses ambiances permettent à Liam Sharp de s’amuser à reproduire les atmosphères de chaque genre. Bien après Death’s Head II, l’artiste retrouve un genre mêlant science-fiction et horreur, et s’en donne à cœur joie pour représenter des êtres difformes et monstrueux.
Un retour aux sources
Le 1er numéro de Hal Jordan : Green Lantern est une version abrégée des origines de Hal Jordan. Comme cela lui arrive une fois par décennies, le héros se retrouve sur les routes sans anneau, avant de voir se crasher un vaisseau près de lui. Il y trouve un Green Lantern agonisant qui lui confie son anneau. À croire que Hal Jordan est un aimant à extraterrestres… Ses missions semblent le faire craquer peu à peu, rappelant la folie qui le mène à devenir Parallax. L’histoire met également en scène l’émergence des Blackstars, nouvelle incarnation des Darkstars. Police spatiale créée par une race rivale des Gardiens, les Contrôleurs, les Darkstars sont revenus dans la série Hal Jordan and the Green Lantern Corps en 2018. Mais ces personnages ont eu leur heure de gloire dans les années 90, et ont reçu leur propre série. À l’époque comme aujourd’hui, l’autonomie dont ils jouissent par comparaison aux Green Lanterns séduisent Hal Jordan. À la place de la création de Parallax, Gerard Jones, l’auteur de la série à l’époque, prévoyait dans les années 90 de diviser les Green Lantern en plusieurs factions sous l’influence des Darkstars.
Un hommage aux histoires cosmiques de DC
Ce retour aux sources par Grant Morrison est aussi l’occasion de rendre hommage au grand univers DC et à ses personnages cosmiques. Les Maîtres de la Chance sont des entités créées dans l’univers de la Légion des Super-Héros, réapparus dans le présent dans la série The Brave & the Bold des années 2000. Le Green Lantern créé par Alan Moore, qui ignore le concept de lumière, est également de la partie dans le rôle d’un gardien de prison. La race d’esclavagiste de Kanjar Ro, vieil ennemi de la Justice League, revient menacer la Terre. Les Green Lanterns s’attaquent à des solarivores, créatures mangeuses de soleil qui ont provoqué le sacrifice de membres de la Légion au 30e siècle ou de Parallax à l’issue de Final Night. Parmi les enchérisseurs du marché aux esclaves, le lecteur reconnaîtra Steppenwolf et Grayven d’Apokolips, des membres du Dominion ou encore des Martiens Blancs. L’un des meneurs des Blackstars n’est autre que la fille du vampire cosmique Starbreaker, encore un ennemi de la Justice League. Enfin, aucun hommage aux personnages cosmiques n’est complet sans la mention d’Adam Strange, héros tout droit sorti d’un sérial Flash Gordon, avec son pistolet laser et son jetpack…
Un Grant Morrison mineur
Vous aurez peut-être remarqué que j’ai peu parlé de Grant Morrison. J’ai une approche mitigée des productions de cet auteur. J’aime beaucoup ses productions DC/Vertigo, où il parvient à rendre hommage aux personnages qu’il utilise, aussi mineurs qu’Animal Man ou aussi importants que Batman. Cependant, je déteste viscéralement les titres qu’il a écrit pour Marvel : ses X-Men ou Quatre Fantastiques semblent ignorer l’historique et l’évolution des séries concernées après leur création par Stan Lee et Jack Kirby. Cependant, je ne peux pas lui nier une écriture conceptuel et osée. Tout cela est absent de cet album. Hal Jordan : Green Lantern est prévisible de bout en bout et ne surprend jamais. L’élément le plus original est un Green Lantern à tête de volcan. Sinon, c’est du déjà-vu. On retrouve même un virus intelligent, ce qui est devenu un lieu commun de Grant Morrison après The Filth et ses New X-Men. L’histoire reste distrayante et classique, mais cousue de fil-blanc. Cependant, la conclusion pourrait permettre à Grant Morrison de retrouver sa verve en coupant Hal Jordan de son environnement habituel. En bref, rien d’offensant pour les détracteurs de l’auteur, mais rien non plus de mémorable pour ses fans. ■
Hal Jordan : Green Lantern est un comics publié en France par Urban Comics.