Apprenez le français et l’anglais avec les comics ! Et même plus encore… [En Vert Et Contre Tous n°11]

Comment la lecture des comics permet-elle d’apprendre les rudiments du français et de l’anglais ? Doop explique comment il a appris très jeune le français et comment la lecture des comics VO a amélioré son anglais. Il en profite pour revenir sur un sujet plus personnel : le fait que les comics ont toujours fait partie intégrante de sa vie et comment il est devenu un fan irréductible.
■ par Doop

 

 

Strange n°118

 

J’apprends à lire avec les super-héros

La toute 1re bande dessinée que j’ai entre les mains date d’octobre 1979. Il s’agit du Strange n°118. En couverture, Spider-Man surplombe la ville que le Shocker a plongée dans le noir. J’ai 5 ans. Mon père m’a acheté ce numéro un dimanche chez le marchand de journaux du coin car il sait que j’adore la série télévisée. Rapidement, la bande dessinée du dimanche devient un rituel. En bref, je rentre à l’école primaire et je connais déjà Daredevil, Magnéto et Iron Man, même si j’ai encore du mal à saisir toutes les subtilités des histoires et des dialogues. Exemple avec mon tout 1er Special Strange, celui où les X-Men sont torturés par Magneto dans son volcan secret. Je ne comprends pas immédiatement que les X-Men sont en fait les héros de la série. Je trouve l’idée d’écrire une série sur un groupe de vilains assez bizarre mais originale. En fait, à bien y réfléchir, aux yeux d’un enfant, les X-Men de l’époque ont tout pour faire penser à des méchants : un petit bonhomme avec des griffes en métal, un homme aux yeux cachés par une visière, une jeune fille aux cheveux de feu et une bête à fourrure bleue. Il n’en faut pas plus : mon esprit de petit garçon en fait des criminels capturés par ce « gentil » Magneto à l’air si noble. Et c’est bien évidemment la 1re fois que j’ai affaire, sans le savoir, à cette notion d’ambigüité et de complexité dans les comics. (en plus d’améliorer mon vocabulaire). Car contrairement à ce que peuvent penser la majorité de ceux qui n’en lisent pas, les comics sont tout sauf manichéens.

 

La mort de Jean Grey (image © Marvel Comics)

 

La 1re mort marquante de ma vie

Quatre ans après ma 1re incursion dans le monde merveilleux de Marvel, je vis « en direct » la mort de Jean Grey au cours de la Saga du Phénix noir. Tout bien réfléchi, c’est certainement la toute 1re fois que je prends réellement conscience de la notion de mort. Quelqu’un que je ne connais pas et dont je lis les aventures tous les 3 mois disparait pour toujours. Je trouve cela très injuste, j’aurais tellement voulu qu’elle revienne ! Mon vœu sera d’ailleurs exaucé plus tard, et même de nombreuses fois par la suite. Mon entrée au collège rime avec une réelle frénésie de lecture : non seulement le nombre de comics que je lis tous les mois augmente exponentiellement (Aredit et de ses albums y sont certainement pour quelque chose). C’est réellement une époque bénie où les plus grandes sagas des 2 principaux éditeurs américains de comics s’offrent aux lecteurs. On peut alterner entre le Crisis On Infinite Earths de M. Wolfman et G. Perez et les X-Men de C. Claremont et P. Smith. Je pense que c’est à ce moment que je bascule définitivement du côté du fan irrécupérable de super-héros. Au fil du temps et de mes lectures, j’ai compris que certains récits de super-héros pouvaient aussi s’adresser à un public très adulte. Je me rappelle encore de la sensation de malaise devant la violence de Camelot 3000 ou du 1re numéro de la série Watchmen qui contenait la série éponyme d’Alan Moore ainsi que des épisodes de The Question.

 

 

 

La Batmania

Grâce au film Batman de Tim Burton, les Français peuvent voir arriver dans les librairies des dizaines de comics qui font la transition avec l’arrêt total des publications DC en kiosque. En effet, les éditions Aredit déposent le bilan au moment même où l’éditeur va proposer des séries totalement nouvelles. C’est donc en librairie que je peux découvrir les éditions Comics USA qui proposent des récits beaucoup plus matures et qui sont en phase avec mon passage à l’adolescence. C’est grâce à ces éditions que je peux non seulement lire la fin de Watchmen mais aussi découvrir Dark Knight Returns ou encore le Elektra de F. Miller et B. Sienkiewicz que les éditions LUG (devenues SEMIC) n’ont, pour cause d’autocensure, jamais pu publier chez les marchands de journaux. C’est aussi durant cette période que je découvre des auteurs comme Grant Morrison, Peter Milligan ou encore Jaimie Delano dont les histoires semblent à des lieues de ce que peux lire en kiosque.

 

Michael Keaton, Jack Nicholson et Tim Burton sur le plateau de tournage du film Batman

 

La version originale : le Saint Graal

Je profite alors de mon niveau d’anglais devenu suffisant pour avoir accès au Saint Graal de tout collectionneur VF de l’époque : les comics en VO. Je me rappelle encore de la 1re fois où je pose les pieds à Nice dans un magasin consacré uniquement à ce type de revues : je n’en crois alors pas mes yeux ! Non seulement s’étalent devant moi les comics que je ne pourrai lire en VF que dans plusieurs années (à cause des délais de publication) mais aussi toute une ribambelle de titres inconnus ou qui ne sont plus publiés depuis des années en France. C’est à ce moment que je découvre les comics Vertigo (la ligne adulte de DC). J’ai désormais accès à un nouveau pan entier de la culture comics : tout est disponible et à portée de mains. Je me rappelle du choc monumental que me procure la lecture du 2e recueil de Sandman (l’un de mes tout 1ers TPB) ainsi que la joie de découvrir, 3 ou 4 ans à l’avance, ce qui va advenir de mes mutants préférés. Contrairement à beaucoup de lecteurs de comics, je n’ai jamais réellement choisi entre les comics « mainstream » classiques et génériques, et les comics plus indépendants ou adultes. Je sais toujours ce à quoi je dois m’attendre et trouve autant de bonheur à lire une bonne idée ou un bon dialogue dans une série grand public que dans une série plus mature. J’ai trop longtemps souffert du fait que les comics soient considérés comme de la sous-lecture et je n’ai pas appliquer ce même genre de préjugé aux comics « mainstream ».

 

Confessions d’un vieux lecteur

Alors oui, je suis ce qu’on peut appeler un vieux lecteur, souvent fâché, parfois blasé. Mais qui possède toujours l’envie de trouver dans sa dose hebdomadaire de bande dessinée la petite étincelle apparue un dimanche quarante ans plus tôt. ■




A propos Doop 374 Articles
Doop lit des comics depuis une quarantaine d'années. Modérateur sur Buzzcomics depuis plus de 15 ans, il a écrit pour ce forum (avec la participation de Poulet, sa minette tigrée et capricieuse) un bon millier de critiques et une centaine d'articles très très longs qui peuvent aller de « Promethea » à « Heroes Reborn ». Il a développé une affection particulière pour les auteurs Vertigo des années 90, notamment Peter Milligan et Neil Gaiman.