Xerxès tient autant de la suite que de la préquelle de 300. Frank Miller revient sur son histoire 20 ans après. Avec des réussites, mais aussi pas mal de défauts. Décryptage.
■ par Fletcher Arrowsmith
Frank Miller fait parti de ces génies qui ont marqué l’histoire des comics. Fait établi, celui qui a révolutionné Batman et Daredevil, peine à convaincre depuis une vingtaine d’années et la sortie de la suite de Dark Knight Return. Certains vous diront que 300, datant de 1998, est peut-être la dernière œuvre novatrice et maitrisée de l’artiste. Xerxès se présente comme à la fois une suite et une préquelle à 300.
Faire du neuf avec du vieux
Xerxès est un vieux projet de Frank Miller. Devant le succès du film 300 de Zack Snyder Frank Miller est mis à nouveau sur le devant de la scène et s’attaque à une suite. Cela reste au stade de projet mais son script bien qu’inachevé sera utilisé pour le film 300 : La naissance d’un empire réalisé par Noam Murro. C’est donc 14 ans plus tard que Frank Miller décide de se mettre à nouveau à sa planche à dessins pour mettre en image son scénario.
Un départ canon à Marathon
Xerxès débute en -490 avant JC, 10 ans avant les événements décrits dans 300. Les Perses dirigés par Darius et son fils Xerxès, celui-là même qui dans 300 affronte Leonidas, le roi de Sparte, décident d’envahir la Grèce. Le 1er chapitre s’ouvre donc sur la célèbre bataille de Marathon pour continuer dans l’épisode suivant sur le port d’Athènes. L’affrontement à distance, guerre tactique entre Thémistocle et Darius, tient ses promesses à l’instar de celle entre Leonidas et Xerxès aux Thermopyles. Certes la mise en couleur dérange légèrement, Alex Sinclair n’étant pas Lynn Varley, ex-compagne de Frank Miller et coloriste de 300, mais ces 1re planches me surprennent. On a l’impression de retrouver un vieil ami et d’entamer une longue soirée comme si on s’était quitté la veille. Quelques éléments purement « milleriens » confirment que le maitre n’a pas vendu son âme au diable, notamment le tragédien Eschyle prenant des pauses et attitudes dignes des ninjas de la main dans Daredevil… ou bien est-ce le retour de Ronin ? Mais passons outre pour l’instant, Xerxès ravive des émotions.
Seul Alexandre est grand
Les 3 numéros suivants de Xerxès se passent après les évènements de 300. Il se déroule ainsi près de 125 ans d’histoire antique, de -465 à -330 avant JC. La fin de Xerxès fait l’objet du chapitre 3 sans que l’on sache réellement comment il est mort puis par bond dans le temps successif, Frank Miller présente les destinées du roi Darius III pour aboutir au plus grand des conquérants de l’antiquité, Alexandre le Grand. Difficile de comprendre pourquoi cette cassure dans la narration de Frank Miller. Surtout après nous avoir raconté jusque-là sur des dizaines de page des moments clés se déroulant sur quelques jours. Étonnamment, dans la dernière ligne droite, Frank Miller échoue à dresser des portraits forts et puissants, que ce soit celui de Xerxès, que l’on aura peu vu finalement, ou celui d’Alexandre le Grand. Ce dernier aurait mérité une mise en lumière plus subtile tant cette figure historique demeure fascinante.
Un album a réservé aux fans de Frank Miller
Tout le long des 5 chapitres le composant, Xerxès est parcouru de fulgurances montrant ce que Frank Miller fût mais rappelant également que le créateur de Sin City a encore de beaux restes. Maitre des ombres et des aplats en noir et blanc, certaines planches méritent que l’on s’y attarde pour la précision du trait et la puissance qu’elles dégagent. Dommage que l’accélération aussi soudaine qu’inattendue fasse plus penser à une frise chronologique qu’à un véritable récit romanesque. Frank Miller est connu pour dresser le portrait de personnage fort, hors norme à l’instar de Daredevil, Batman, ou Marv de Sin City ou le roi de Sparte, Leonidas. Dans Xerxès il nous laisse sur notre faim. Darius III reste à l’état d’ébauche. Et frustré, on se met à rêver de ce que Frank Miller aurait pu faire avec une figure historique comme Alexandre le Grand. Xerxès ressemble à un rendez vous manqué ou bien faut il y voir la marque d’un auteur qui, conscient de son âge, décide de s’assagir avec le temps. Il ne serait pas juste de faire le procès à charge de son graphisme à la lecture de cet album, surtout en comparaison d’autres artistes de la même époque. Par contre, un débat peut s’ouvrir sur le verbe et les idées de Frank Miller. Sur un tel sujet peut être que le Frank Miller de Terreur Sainte aurait finalement été parfait.
Xerxès est un comics publié en France chez Futuropolis.