Quel futur pour nos super-héros de papier préférés ? [En Vert Et Contre Tous n°10]

Nous avons déjà parlé de Batman : Damned 1 dans lequel on peut admirer  à plusieurs reprises l’une des parties les plus intimes de l’homme chauve-souris. Cela a fait rire pas mal de monde et finalement donné un peu de peps à une actualité comics qui est loin d’être riche. Et pourtant, d’après Heidi Mc Donald, rédactrice en chef de The Beat, un site de référence sur les comics, les conséquences risquent d’être plus graves que prévu. Quel avenir attend nos super-héros préférés ?
■ par Doop

 

Dans Batman : Damned, on aperçoit brièvement le sexe de Bruce Wayne. Une image qui a déclenché une polémique et qui pourrait bien avoir plus de conséquence qu’on ne l’imagine (image © DC Comics)

 

Un petit zizi qui va pourtant coûter cher

D’après l’article de The Beat signé Heidi Mc Donald, la polémique autour du sexe de Batman a énormément irrité la nouvelle directrice de DC Comics, Pam Lifford, qui était arrivée aux commandes depuis moins d’1 semaine. Pam Lifford a donc passé un réel savon aux 2 grands responsables éditoriaux de DC, à savoir Jim Lee et Dan Didio. A tel point que les 2éditeurs se sont sentis obligés de repenser non seulement la sortie des autres épisodes du comics mais aussi la ligne éditoriale du Black Label et de Vertigo, les 2 marques de DC qui s’adressent à un public plus adulte. Toujours d’après l’article de The Beat, de nombreuses retouches ont déjà été effectuées sur des comics à paraître. De plus, Didio a admis à mots couverts en interview que le bat-zizi avait détourné l’attention des lecteurs et qu’il fallait repenser les choses. Il a aussi précisé que le Black Label était important pour eux (ce qui est une sorte de langue de bois ultime pour dire que tout le monde va faire machine arrière). On parle même d’un arrêt de la publication mensuelle de Batman : Damned pour une sortie uniquement en hardcover. Et c’était limite prévisible.

 

On pourra rétorquer que depuis les années 30 l’industrie des comics a toujours connu des cycles. Qu’il n’y avait quasiment plus de super-héros publiés dans les années 50, que Marvel a fait banqueroute dans les années 90, que DC a implosé à la fin des années 70.

 

Le paradoxe

Soyons lucides, l’industrie du comics est en totale décomposition. Les best-sellers ne se vendent plus (Heroes in Crisis a fait des chiffres décevants), les reboots qui maintiennent artificiellement les ventes ne fonctionnent plus. Les grands auteurs se dirigent de plus en plus vers les maisons d’édition indépendantes. Regardez la publication des magazines kiosques en France. Et pourtant, jamais les super-héros n’ont été aussi connus ! Il suffit d’ouvrir la page d’accueil de Netflix ou d’Allociné pour que sous nos yeux apparaissent les noms d’Avengers, Daredevil, Venom, Ant-Man ou Dr Strange. Les films font des milliards de recettes, les jouets se vendent par millions à travers le monde. Et pourtant plus personne ne lit de comics. Les comics numériques ne fonctionnent pas plus que ça (d’ailleurs, il me semble avoir lu des articles disant que les livres numériques avaient le moral en berne). On peut légitimement se demander quel futur attend nos héros de papier préférés. Bien évidemment on pourra rétorquer que depuis les années 30 l’industrie des comics a toujours connu des cycles. Qu’il n’y avait quasiment plus de super-héros publiés dans les années 50, que Marvel a fait banqueroute dans les années 90, que DC a implosé à la fin des années 70 et que finalement, nos héros sont toujours présents dans les stands. Rien de tel qu’une bonne crise pour tout relancer ma bonne dame ! C’est une idée que je suis à 2 doigts de partager. Sauf qu’elle n’arrivera pas.

 

Exemples de jouets Hasbro prévus pour 2019 et la sortie du film Captain Marvel (image © Hasbro)

 

Comment proposer du nouveau quand on ne veut surtout pas que cela change ?

En effet, à l’instar des années passées, Marvel et DC sont détenues par des compagnies qui font des chiffres d’affaires énormissimes (Disney et Warner Bros), elles ne risquent donc pas de faire faillite. À moins que les films et les jouets, qui rapportent autant, ne fonctionnent plus, ce qui n’est, je vous rassure (ou pas), pas prêt d’arriver. Les 2monstres de l’entertainment se moquent comme de leur première chemise des versions papier de leurs héros, ils ont acheté des licences et laisseront les choses se dérouler sans intervenir tant que cela ne fait pas, comme pour Batman, du bad buzz. C’est tout le problème. Pour pouvoir proposer des choses nouvelles en bande dessinée il faut, à mon sens, prendre des risques, franchir des lignes qui n’avaient alors été que peu dépassées jusque-là.. Le Batman : Damned ne l’a absolument pas fait, c’était juste de la mauvaise provocation. Or, le fait de vouloir uniquement des personnages capables de faire vendre des jouets est en totale contradiction avec cette logique. Tant que Disney et Warner Bros seront en charge, on aura donc des histoires basiques, qui s’éloigneront un peu du principe de base mais pas trop et des concessions pas vraiment subtiles aux modes du moment. C’est le cercle vicieux de base : pour produire il faut des sous mais pour faire des sous il faut que cela plaise au plus grand monde. Et je ne pense pas que l’équilibre soit atteint avec Disney aux commandes. Jamais un comics comme Dark Knight Returns ou Howard The Duck n’aurait franchi la barrière éditoriale actuelle.

 

 

Que va-t-il se passer alors ?

À mon sens, absolument rien. En tout cas, sur le moyen terme. Tant que les films, séries et jouets se vendront comme des petits pains, Marvel et DC pourront continuer à produire des comics vendus à 100 000 exemplaires pour le mieux, et à proposer des histoires sans aucune personnalité et des reboots continuels. En revanche, si le secteur du cinéma commence à montrer des signes de faiblesse, il faudra vite courir aux abris. Et ce ne sera peut-être pas plus mal finalement. ■

 




A propos Doop 374 Articles
Doop lit des comics depuis une quarantaine d'années. Modérateur sur Buzzcomics depuis plus de 15 ans, il a écrit pour ce forum (avec la participation de Poulet, sa minette tigrée et capricieuse) un bon millier de critiques et une centaine d'articles très très longs qui peuvent aller de « Promethea » à « Heroes Reborn ». Il a développé une affection particulière pour les auteurs Vertigo des années 90, notamment Peter Milligan et Neil Gaiman.