
Vous voyez ce moment où un comics sort, et tout le monde se met d’accord pour dire que c’est une œuvre majeure ? Qu’on la garde sous le coude pour expliquer aux nouveaux lecteurs pourquoi un perso est génial ? Eh bien Daredevil: Born Again, c’est exactement ça.
Publié en 1986, ce run de Frank Miller au scénario et David Mazzucchelli au dessin ne se contente pas de raconter une histoire de super-héros : il déconstruit Matt Murdock, l’éparpille façon puzzle et le force à renaître, plus fort et plus complexe. C’est noir, c’est beau, et c’est cruel. Bref, un classique absolu. Et non, ce n’est pas juste une expression balancée à la légère. Born Again, c’est LA BD qui a cimenté l’identité de Daredevil comme héros torturé, bien au-delà du simple « Spider-Man aveugle » que certains voyaient en lui.

La descente aux enfers de Matt Murdock : un super-héros chez les Frères Coen
L’histoire commence par une trahison qui sent la misère et le désespoir. Karen Page, ex-secrétaire du cabinet Nelson & Murdock et ex-petite amie de Matt Murdock, vend l’identité de Daredevil pour une dose d’héroïne. Une petite info qui finit, bien entendu, entre les mains du Le Caïd.
Et Wilson Fisk ne se contente pas d’envoyer des gros bras pour en finir avec Matt. Non, il joue au sadique : gel de ses comptes bancaires, fausse accusation de corruption, appartement explosé, radiation du barreau… En quelques pages, Matt passe de brillant avocat/héros de Hell’s Kitchen à clodo qui erre dans les rues, son costume de Daredevil en lambeaux. C’est du Kafka en spandex. La machine s’emballe et Matt se retrouve broyé par un système qu’il ne comprend même pas. Et ça ne s’arrête pas là. Fisk le fait tabasser, puis l’enferme dans un taxi qu’il fait couler dans l’Hudson. Rideau. Sauf que Matt, il n’est pas du genre à mourir si facilement.

Quand Daredevil touche le fond (et creuse encore un peu)
Ce qui fait la force de Born Again, c’est que c’est avant tout un récit humain. Il n’y a pas de gadgets, pas de grosses batailles spatiales, pas de rayons laser. Juste un type brisé, qui doit se reconstruire à la force de sa volonté. Frank Miller le plonge dans un enfer digne des récits bibliques (on pense au Livre de Job), mais avec un décor urbain sale et réaliste.
Matt Murdock passe par toutes les étapes du gars qui a touché le fond : la paranoïa, la rage aveugle, la solitude. Il trouve refuge dans une église, où une nonne (qui pourrait bien être sa mère) veille sur lui. Pendant ce temps, Le Caïd savoure sa victoire, pensant avoir détruit Daredevil une fois pour toutes.
Erreur. Grossière erreur.
Car même détruit, Matt reste Matt. Ses sens exacerbés, son intuition, son instinct de survie, tout est encore là, enterré sous les décombres de son ancienne vie. Peu à peu, il commence à voir clair dans le plan de Fisk. Il n’a plus rien à perdre, et c’est précisément à ce moment-là que Daredevil devient le plus dangereux.

Une revanche à la dure : Matt Murdock, mode survival
Alors qu’on pourrait s’attendre à un retour en fanfare, avec Matt qui défonce la porte du bureau de Fisk pour lui coller un coup de lasso-canne dans la tronche, Frank Miller opte pour quelque chose de bien plus subtil. Matt reconstruit sa vie lentement, pas à pas, en retrouvant ce qui le définissait vraiment : pas son costume, pas son job d’avocat, mais sa force morale.
Pendant ce temps, Fisk ne peut s’empêcher d’en rajouter une couche : il fait libérer un super-soldat détraqué, Nuke, et lui demande de raser Hell’s Kitchen pour achever le travail. Mauvaise idée : non seulement Daredevil revient plus fort que jamais, mais les Avengers s’en mêlent. Captain America découvre que Nuke est le résultat raté d’un programme gouvernemental douteux, Fisk commence à perdre le contrôle, et Daredevil fait ce qu’il fait de mieux : défoncer un mec qui fait trois fois son poids.
Le combat contre Nuke est une scène d’anthologie. Daredevil, plus déterminé que jamais, affronte ce monstre dopé aux amphétamines, symbole des dérives du patriotisme aveugle. C’est brutal, c’est viscéral, et ça se termine en carnage.

Le Le Caïd en chute libre
La fin de Born Again est une leçon de déconstruction. Wilson Fisk, le mec qui pensait tout avoir gagné, voit son empire s’effondrer sur lui. Son plan parfait se retourne contre lui, et même si Matt Murdock ne le bat pas avec ses poings, il lui fait ce qu’il déteste le plus : il l’expose. Il le réduit à un criminel de bas étage aux yeux du monde.
Quant à Matt, il finit par retrouver Karen, qui tente elle aussi de se reconstruire. Leur relation n’est pas parfaite, loin de là, mais ils s’accrochent. Parce que c’est ça, Daredevil : un mec qui n’abandonne jamais, même quand tout semble perdu.

Verdict : un incontournable
Pourquoi Born Again est un classique absolu ? Parce qu’il réussit l’exploit d’être une histoire de super-héros SANS super-héros. Matt Murdock passe plus de temps sans son costume rouge qu’avec, et pourtant c’est l’un des arcs les plus intenses et puissants jamais racontés dans l’univers Marvel.
Frank Miller et David Mazzucchelli livrent un récit magistral, magnifiquement illustré, brutal, poignant et réel. Si vous ne l’avez jamais lu, arrêtez tout et foncez. Parce qu’on ne parle pas juste d’un grand Daredevil, on parle d’un grand comics tout court. Et des comme ça, on en a trop peu.