Terry Moore, l’auteur de Strangers In Paradise, revient dans un récit plein d’action, d’humour et de singes et d’extraterrestres. Pour autant, comme à son habitude, il ne néglige pas la construction psychologique de ses personnages et nous livre un récit d’une grande sensibilité.
■ par Mad Monkey
Un point de départ qui ressemble à une partie de kamoulox
Samantha vie et travaille avec Mike, son meilleur ami, dans une casse auto au milieu du désert. Cette vie paisible se voit perturbée le jour où la propriétaire du terrain reçoit pour celui-ci une mystérieuse offre d’achat. C’est visiblement l’événement qu’attendaient les extraterrestres pour crasher leur soucoupe volante au milieu des voitures avant que deux hommes en noir débarquent. Mais bon, ce n’est pas comme si Samantha avait eu droit à une vie tranquille jusque là. En effet, sergente dans les marines, elle fut blessée en Irak puis capturée et torturée. Et avant que j’oublie, Mike est en fait un ami imaginaire ayant l’apparence d’un gorille…
Une histoire plus profonde qu’en apparence
Sincèrement, quand Terry Moore avait annoncé Motor Girl et montré les premières images, j’ai sincèrement pensé qu’il allait livrer un « simple » récit humoristique. Avec son gorille mécano et ses petits aliens rondouillards je croyais que l’histoire serait particulièrement légère. Je supposais que c’était pour l’artiste une sorte de respiration, de détente, entre deux séries plus ambitieuses. Et bien j’avais tort. Si la série n’est pas dépourvue de gags, loin de là, elle est aussi très profonde. On le sait depuis Strangers In Paradise, Terry Moore apporte un soin particulier à l’écriture de ses héroïnes qui loin d’être des spectatrices passives des événements sont tout autant les moteurs que les sujets du récit. Et bien c’est encore par son personnage principal que l’auteur nous livre toute la profondeur de son récit. Sous ses atours burlesques, cette mini-série nous parle en réalité de la reconstruction psychologique de Samantha. Cette femme est une héroïne (dans tous les sens du terme), mais c’est aussi une femme traumatisée par ce qu’elle a vécu en Irak et elle souffre aujourd’hui d’un syndrome de stress post-traumatique. Bref, c’est une survivante qui n’a pas encore réussi à retrouver sa vie d’avant.
Un récit sur l’importance de l’imaginaire
S’il respecte les soldats et ce qu’ils endurent au front, Terry Moore ne cherche pas à glorifier la guerre. Au contraire il nous la présente pour ce qu’elle est, une saloperie broyant les civils comme les combattants. Or si Samantha a réussi à tenir, si elle peut continuer à avancer, c’est parce que son esprit lui a livré un ami comme mécanisme de résilience. Son imaginaire se révélant être une bouée de sauvetage efficace face à une réalité tout aussi douloureuse que complexe. L’auteur nous rappel dès lors que la fiction nous aide à donner un sens à la réalité fut elle chaotique. Il est dès lors signifiant que les éléments SF présents dans Motor Girl soient des éléments presque chimiquement purs du mythe américain des soucoupes volantes. Hommes en noirs, petits hommes verts, etc. Tout y est représenté dans sa forme la plus classique, ou presque, et ce pour la simple raison que ces figures font partie de l’imaginaire commun et donc de celui de Samantha. C’est ce fond commun, familier, qui explique que notre héroïne soit plutôt à l’aise face à de nouvelles formes de vies. Son esprit rempli de pop culture, lui fournissant un refuge face à l’inconnu… au risque de s’y perdre. Bref, Motor Girl est un récit fun mais où Terry Moore nous livre, avec son trait si caractéristique, une belle réflexion sur les conséquences de la guerre et sur la force de l’imagination. ■
Motor Girl est un volume à couverture souple de 224 pages contenant l’intégrale de la sérié écrite et dessinée par Terry Moore, soit Motor Girl #1-10 (parus aux USA à partir de novembre 2016 chez Abstract Studio), mais aussi une galerie de couvertures et des croquis de l’auteur.