Les Guerres Secrètes 2 : la suite de trop qui a traumatisé les lecteurs Marvel

Guerres Secrètes II
Temps de lecture estimée : 4 min.

Les Guerres Secrètes 2, c’est un peu comme une mauvaise suite de vacances qu’on croyait avoir enterrées dans un grenier à VHS : un retour qu’on n’avait pas demandé, mais que Marvel Comics nous a servi quand même. Fort du carton commercial du premier Secret Wars, la Maison des Idées a décidé en 1985 de récidiver. Mais cette fois, le Beyonder ne téléporte plus des héros sur une planète à l’autre bout de l’univers pour une baston géante. Non. Il vient sur Terre. Pour apprendre la vie. Littéralement.

Alors forcément, ça part en sucette. Le tout-puissant Beyonder découvre les joies de manger, de faire du shopping, d’engager des avocats et de tomber amoureux. Oui, c’est Secret Wars II : une entité cosmique omnipotente qui se demande s’il ne ferait pas mieux de bosser dans l’immobilier. Et le plus fort dans tout ça ? C’est que ça s’étale sur 9 épisodes principaux (réunis dans cet albums) et 33 tie-ins, soit 42 comics contaminés par les états d’âme d’un gars à la coupe so 80’s.

Les Guerres Secrètes 2 : le règne du joyeux n’importe quoi

Ce qui frappe en lisant Les Guerres Secrètes 2, c’est la logique narrative bancale. Chaque numéro commence quelque part, finit ailleurs, et entre-temps le Beyonder tue la Mort, ressuscite une fan suicidaire, devient obèse, se fait larguer par Dazzler, puis revient à son poids de forme par magie. Le scénariste Jim Shooter, disparu il y a quelques jours, déploie un enchaînement d’idées improbables balancées sans aucune conséquence durable.

Et le pire ? C’est que tout le monde s’en fout. Ni les héros, ni les vilains, ni les lecteurs (à part ceux qui ont payé les 42 numéros pour ne rien comprendre) ne semblent vraiment concernés. Les décisions du Beyonder n’ont ni queue ni tête, les dialogues sonnent faux, et les rares moments « dramatiques » sont désamorcés en deux pages. Le multivers Marvel méritait mieux qu’un ado tout-puissant en crise existentielle.

Une overdose de tie-ins

L’une des plus grandes « innovations » de ces Guerres Secrètes 2, c’est d’avoir infecté presque toutes les séries Marvel du moment. Résultat : si tu ne lis pas Iron Man, New Mutants, Cloak and Dagger ou même Daredevil, pas simple de suivre d’un épisode à l’autre. À chaque fin de numéro, un petit « pour savoir ce qui se passe maintenant, va lire ça, ça et ça » t’attend, comme une liste de courses infernale.

Sauf que ces tie-ins sont aussi inégaux que frustrants. Parfois le Beyonder fait une apparition de deux cases, parfois il flingue toute une équipe (coucou les New Mutants)… puis la ressuscite, bien sûr. Le cross-over total devient ici une machine à frustration : impossible de suivre l’intrigue principale sans acheter tout Marvel de l’été 1985. Une technique marketing ? Oui. Une narration fluide ? Pas vraiment.

Du kitsch cosmique à l’état pur

Visuellement, Les Guerres Secrètes 2 oscille entre le correct et le franchement honteux. Al Milgrom, d’habitude bien plus solide, donne l’impression de dessiner dans l’urgence. Le Beyonder, censé incarner la toute-puissance, ressemble parfois à un danseur de disco échappé d’un clip de Earth, Wind & Fire. Mention spéciale aux costumes, aux poses outrées et aux expressions figées qui donnent à l’ensemble une saveur délicieusement ringarde.

Mais soyons honnêtes : ce kitsch fait aussi parti des charmes du projet. Il faut voir le Beyonder essayer de comprendre les humains en s’achetant des fringues, en regardant la télé ou en tentant la vie de couple. C’est nul, oui. Mais c’est nul avec panache. On pourrait presque le regarder comme on mate un mauvais film des années 80, un verre à la main et le cerveau débranché.

Une leçon éditoriale malgré tout

Alors, à quoi ça sert, Les Guerres Secrètes 2 ? Réponse : à comprendre comment fonctionne le marché des comics. En forçant les lecteurs à acheter 42 numéros pour suivre une intrigue, Marvel a instauré la logique du « cross-over total » qui deviendra la norme (et parfois la plaie) des décennies suivantes. C’est le péché originel des events à rallonge, celui qui a ouvert la boîte de Pandore des Inferno, Fear Itself, Knight Terrors et autres joyeusetés.

Et c’est peut-être pour ça que la réédition en Marvel Deluxe de ce ratage mérite d’être lu. Pas pour son scénario. Pas pour son dessin. Mais pour sa place dans l’histoire des comics. Comme Plan 9 from Outer Space, Les Guerres Secrètes 2 est un plantage fascinant à observer. Une bêtise magistrale. Un manuel de ce qu’il ne faut jamais refaire… et que tout les éditeurs continuent à refaire.

Les Guerre secrète II est un comics publié en France par Panini Comics. Il contient : Secret Wars II (1985) 1-9.




A propos Stéphane 764 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.