Grass Kings, tome 3 : tous les chemins mènent au Royaume [avis]

(image © BOOM ! Studios)

Clap de fin pour la communauté du Grass Kingdom qui va devoir faire face à la riposte musclée de l’État, venu appréhender l’un des leurs tandis que la découverte de l’identité du tueur au courant d’air n’a jamais été aussi proche.
■ par Fletcher Arrowsmith

 

(image © BOOM ! Studios)

 

Un véritable polar social

Dans le 3e et dernier tome de la série GrassKings, Matt Kindt nous surprend une nouvelle fois. Le « tueur en série du courant d’air » se retrouve au centre de l’intrigue. Évoqué dans le 1er tome, en toile de fond dans le suivant, cette fois ci il fait office de figure centrale. Je l’avais déjà signalé dans la critique du tome 2 mais l’hétéroclite Matt Kindt n’est jamais aussi bon que quand il écrit un polar. Reprenant le modèle du 2e arc, un jeu de piste s’installe pour découvrir la vérité sur le tueur au courant d’air. Fort du travail réalisé jusqu’ici pour exposer la situation et mettre en place les protagonistes, Matt Kindt joue désormais sur 3 tableaux dans une narration à l’ambiance tendue et à l’atmosphère à couper au couteau. Le scénariste canadien évite de tomber dans la facilité en s’appuyant sur une montée en puissance des enjeux et en multipliant les points de vue. Objectif atteint car le lecteur est déstabilisé face à la trame narrative jouant sur différents marqueurs temporels mais également de lieux. Présent et passé se côtoient dans ces 4 épisodes se déroulant à l’intérieur et à l’extérieur de Grass Kingdom. Clou du spectacle, le lecteur est invité à observer la recherche du tueur. Bruce, personnage faisant office de trait d’union entre les 2 communautés mène son enquête en interrogeant différents témoins des tueries perpétrés une dizaine d’année avant. En parallèle nous découvrons également les ressorts dramatiques de l’enquête via les liens unissant le chérif Humbert à son père. Matt Kindt fait monter la tension à l’instar du final du film Le Silence des agneaux perturbant le lecteur ne sachant plus où et quand se situe réellement l’action. En parallèle de l’enquête, se joue le sort du Grass Kingdom puisque l’armée décide d’attaquer, les rumeurs sur l’identité possible du tueur ayant filtrées dans le précédent tome n’étant que prétexte pour se débarrasser de cette verrue sociale. Deux visions de la société s’opposent et des choix politiques vont devoir être faits.

 

(image © BOOM ! Studios)

 

De lourds secrets aux terribles conséquences

Comme pressenti dès le 1er tome de GrassKings, les liens familiaux tiennent une place importante dans l’atmosphère distillée et la définition du drame qui se déroule devant nos yeux. La quête du serial killer alors devient l‘allumette qui allume la mèche d’une situation insoutenable et prête à exploser. C’est plus qu’une simple histoire de masques qui tombent. Les failles et les secrets de familles de chacun ont façonné la situation présente. Un fils brimé, un mari violent, un père anéanti, un frère fautif, autant de défauts humains entrainant la haine, la violence,  la peur et le replie sur soi. Tout le long de GrassKings, Matt Kindt n’aura cessé de mettre l’ensemble des protagonistes devant les conséquences de leur choix. Ainsi nous découvrons que rien n’est noir ni blanc. Présentée comme un paradis face à l’enfer du monde extérieur, l’utopie rêvée du royaume de Grass Kingdom se révèle également faillible avec ses fautes et ses secrets. Après tout ce ne sont que des humains qui la composent. Même constat pour la ville rivale de Cargill, sensée représenter l’État avec en figure principale le shérif Humbert, l’homme de loi par référence. L’État n’est pas exemplaire non plus.

 

(image © BOOM ! Studios)

 

Une conclusion à la hauteur

Finalement Grasskings comporte bien un défaut, celui de manque car on en redemande. Je ne pense pas que le lecteur soit frustré en tournant la dernière page. Certes au moins une intrigue majeure ne sera pas résolue mais c’est bien là le propre d’une narration qui multiplie les fausses pistes en appuyant en parallèle là où cela fait mal, dans le vide créé par la disparition d’un proche. On aurait aimé continuer à voir évoluer la communauté du Grass Kingdom avec le nouveau statut quo. Mais Grasskings possède tous les marqueurs du polar et la fin âpre et abrupte en fait partie. On mesure alors l’attention faite au développement des personnages que Matt Kindt et Tyler Jenkins ont su faire vivre devant nos yeux en finalement peu de numéros. À nous d’imaginer la suite de leurs aventures et à rêver à une suite. ■

(image © BOOM ! Studios)

GrassKings tome 3 est un comics publié en France chez Futuropolis.