Batman : Hush 2 – Jim Lee et Jeph Loeb trébuchent d’entrée de jeu ! (critique)

Temps de lecture estimée : 4 min.

Résumé de l’article

  • Découvrez pourquoi Batman : Hush 2 débute sur une fausse note dans Batman #158, entre nostalgie figée et narration poussive.
  • Faites connaissance avec un Batman étonnamment impulsif, mal écrit, loin du stratège implacable qu’on connaît.
  • Décryptez un Joker générique, sous-exploité, et relégué au rang de marionnette pour introduire la nouvelle menace : Silence.
  • Goûtez aux planches spectaculaires de Jim Lee, freinées par un scénario daté qui peine à décoller.
  • Comprenez pourquoi ce premier chapitre de Hush 2 ressemble plus à un prologue étiré qu’à un vrai lancement de saga.
  • Conclusion : une suite trop timide pour un arc culte, portée par des noms légendaires mais un contenu qui patine.

C’est le grand retour. L’événement. La suite de Batman : Hush (Batman : Silence, en VF). Le genre d’annonce qui te fait frissonner si tu as lu le run original en 2002 qui offrait une promenade convaincante dans le Bat-verse et sa faune. Vingt ans plus tard, la promesse de replonger dans ce Gotham tendu comme un câble, dessiné par un Jim Lee en furie, ça fait saliver. Sauf que… Batman #158, premier chapitre de Hush 2, ressemble davantage à un rendez-vous chez le dentiste. Avec un Joker. Et avec une mauvaise anesthésie.

Jim Lee : toujours la classe, même s’il a les deux mains attachées dans le dos

Commençons par le bon. Parce qu’il y en a. Jim Lee, c’est toujours une valeur sûre. Même dans un épisode aussi bancal, ses planches font le boulot. La mise en scène est dynamique, les pleines pages claquent. Et puis cette séquence où le Joker se prend une volée de couteaux ? Ça fonctionne. On sent que Jim Lee commence tranquillement et monte en puissance à mesure que les pages défilent.

Mais même lui semble limité. Comme un guitar hero bloqué sur des riffs d’un autre temps. Il manque cette patine, ce petit supplément d’âme, qu’un scénario solide permet d’amplifier. Ici, le scénario est une cage. Et Jim Lee fait ce qu’il peut à l’intérieur.

Jeph Loeb ou l’art de parler tout seul dans sa tête pendant 20 pages

Non, le vrai problème, c’est le scénario. Ou plutôt, l’absence d’évolution. Jeph Loeb écrit comme en 2002. Pas comme dans un « bon souvenir de 2002 », non. Comme s’il avait été cryogénisé en 2002 et réanimé direct à son bureau de scénariste. C’est saisissant : une véritable machine à remonter le temps.

Tout est figé : la voix-off de Bruce Wayne est saturée de monologues forcés, de rappels inutiles (Talia al Ghul ? Vraiment, fallait nous refaire la fiche Wikipédia en plein milieu d’un combat ?), et d’une exposition qui suinte la naphtaline. On a parfois l’impression que Jeph Loeb s’adresse à un lecteur qui n’a pas ouvert un comics depuis le début du siècle.

Et c’est pas fini : le comportement de Batman est parfois à côté de la plaque. Bruce Wayne se fait avoir par un Joker en mode « plan moisi recyclé », puis court après comme un ado sans réfléchir. Oracle et Nightwing lui disent que les communications sont compromises ? Il verrouille tout en panique et fonce dans le tas. Notre stratège de l’ombre préféré devient un mec qui réagit au quart de tour…

Un Joker fainéant, un Hush qui tease, et une menace nommée… Silence

Si vous aimez le Joker, vous serez peut-être contents. Enfin… un Joker générique au possible, sans grande subtilité. Il est là pour rigoler (jaune), se faire capturer par « Silence » (nouveau bras droit de Hush, sorti de nulle part*), puis se faire torturer dans une scène plus graphique que réellement marquante. Hush, lui, surgit comme une ombre, frappe fort… et repart aussitôt, en mode teasing fainéant.

Et c’est bien là le souci majeur : ce premier épisode de Hush 2 ne raconte quasiment rien. C’est une longue introduction qui s’étire sur 20 pages, alors qu’elle aurait pu tenir en 10. Rien ne décolle vraiment. Les enjeux sont flous, les personnages agissent bizarrement, et on attend la fameuse étincelle… qui n’arrive jamais !

* on souhaite bon courage au traducteur de la VF, qui devra se dépatouiller avec ce nom, Silence, qui est utilisé en VF pour traduire le nom de Hush…

Un faux événement au goût de “déjà vu”

Si DC voulait faire de ce Batman : Hush 2 un évènement, c’est raté. Le numéro ressemble plus à une réunion d’anciens élèves qu’à une relance de saga. Les fans de la première heure sentiront peut-être une pointe de nostalgie, mais les nouveaux venus, eux, vont se demander où est passé le storytelling des années 2020.

Tout sonne creux, comme si Jeph Loeb misait uniquement sur son nom, et sur la renommée de l’arc original pour porter le bouzin. Et spoiler : ça ne suffit pas.

Conclusion : un départ en boîte automatique, frein à main serré

Batman #158 devait être le grand retour de Hush. Ce n’est qu’un préambule maladroit, coincé entre la nostalgie assumée et le copier-coller sans passion. Jim Lee fait de son mieux pour sauver les meubles, mais Jeph Loeb lui pose un scénario mou autour du cou. Et Batman, ce bon vieux Batman, devient ici un justicier impulsif, presque idiot, mal écrit jusqu’à l’os.

Alors oui, on va lire la suite. Parce qu’on espère. Parce qu’on se dit qu’ils vont se réveiller. Parce qu’on aime cette ville maudite et ses héros torturés. Mais ce Hush 2, c’est pas encore la suite qu’on attendait. C’est juste un rappel douloureux qu’on ne recrée pas la magie en collant deux noms légendaires sur une couverture.




A propos Stéphane 722 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.