Six jours : le massacre du village de Graignes par l’armée allemande [avis]

(image © Vertigo)

Six jours sort à point nommé pour célébrer les 75 ans du Débarquement en Normandie. Robert Venditti et Kevin Maurer racontent le massacre de civils et de soldats américains par l’armée allemande à Graignes en juin 1944. Une histoire exceptionnelle et méconnue.
■ par Fletcher Arrowsmith

 

(image © Vertigo)

 

Le 6 juin 1944, la 82e airborne une compagnie de parachutistes de l’armée des États-Unis, est larguée à quelques kilomètres plus au sud de son objectif. Les alliés prennent la décision d’établir leur camp de base à Graignes, village de Normandie entouré de marais et surtout de soldats allemands. Les soldats américains fraternisent avec les villageois français. Ils vont alors devoir prendre une des décisions les plus dures de leur vie : devenir le dernier rempart face à l’envahisseur. Combat perdu d’avance, le village de Graignes va pratiquement être rayée de la carte, civils et militaires étant massacrés. La bataille de Graignes est peu connue malgré son caractère dramatique. L’oncle du scénariste Robert Venditti a participé au combat et il a tenu à lui rendre hommage en sortant de l’ombre un fait passé souvent sous silence malgré l’héroïsme de ceux qui ont combattu pour la liberté.

 

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Raconter l’irracontable

En faisant quelques recherches, on réalise la volonté de Robert Venditti et Kevin Maurer de coller au plus prêt aux évènements de juin 1944. L’histoire, la vraie est poignante, dure et cruelle, conforme aux pire récits que l’on connaît sur la Seconde Guerre mondiale et la Libération, comme Oradour sur Glane pour n’en citer qu’un. Le dénouement fait froid dans le dos en nous rappelant clairement les heures les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale. Les enjeux d’une telle histoire, se trouvent en 1er lieu dans la véracité de d’adaptation. Robert Venditti et Kevin Maurer se sont bien documentés et les faits relatés dans ce one shot restent fidèles aux événements historiques. Puis il convient alors de tenter de mesurer le niveau d’exigence attendu. En effet, difficile de ne pas être emporté par la conclusion dramatique vers laquelle s’achemine le récit. C’est plutôt sur le chemin emprunté que Six jours pèche. En choisissant de développer leur script sur plus d’une centaine de page, les auteurs avaient largement le temps de multiplier les points de vue et de développer certains personnages. Bref de nous attacher à des témoins clés de l’histoire et surtout de tenter de nous faire comprendre comment on a pu en arriver là. En ce sens Six jours est une déception. Nous n’aurons jamais le point de vue de l’armée Allemande, dont les silhouettes militaires vont longtemps rester floues tout comme leur visage à peine esquissée. L’aspect stratégique est à peine évoqué tandis que la présentation sommaire de quelques habitants de Graignes et des militaires sont sensés être suffisants. De plus autant le dessinateur Andrea Mutti rend les combats avec toute la violence appropriée, autant il peine à nous faire croire que l’action se situe en Normandie qui plus est avec des français. Et niveau soldats américain, j’ai souvent été gêné à ne pas comprendre qui est qui. D’ailleurs quelle ne fut pas ma surprise dans les dernières pages de voir apparaître des rescapés alors que j’ai cru les voir mort peu de temps avant.

 

(image © Vertigo)

 

Un propos affaibli par la caricature

Sur un tel sujet, il me semble important d’essayer d’apporter des explications, des arguments voire des hypothèses quelque soit le niveau de l’ignominie atteint d’autant que Robert Venditti s’est associé à Kevin Maurer, auteur de best seller sur la guerre, dans son travail de recherche. Mais rien de tout cela dans Six Jours. L’argumentation présentée est banale : Les américains sont les sauveurs, les français courageux et les allemands des monstres. On tombe facilement dans la caricature. Les français sont divisés sur l’attitude à avoir mais en fait une seule personne claque la porte en quelques cases. Bérets et baguettes de pain sont de sortie tandis que la jolie jeune fille en âge de se marier en pince pour le beau soldat. À travers les différents chapitres, on nous assomme de bons sentiments comme la fraternité, l’amitié, l’héroïsme ou le courage avec un « vive la France », dans le texte, qui m’a fait sourire. Et que dire de l’excursion divine au milieu du récit à grand coup de parallèles maladroits et lourds entre des messes des 2 côtés de l’Atlantique. Ce manque de nuance associé à des pages rapidement lues bien qu’agréables, affaiblissent le côté émotionnel d’une conclusion pourtant horrible et tragique. L’intention de Robert Venditti qui rend hommage à son oncle, présent à Graignes en juin 1944, est plus que louable qui plus est pour raconter un évènement méconnu. Dommage que flotte cette impression de simplicité et raccourcis narratifs devant un sujet aussi fort.

 

(image © Vertigo)

 

Une histoire forte mais pas un récit exceptionnel

Bande dessinée d’un bon niveau global, Six jours peut faire office de devoir de mémoire. Cependant, il frustrera surement les plus exigeants d’entre nous par le manque de caractérisation et la simplicité de la narration. Mais il saura également ravir les historiens et archivistes surement pas mécontent de voir mis en image un fait historique passé sous silence. Facile d’accès, autocontenu et rapidement lu, Six jours reste une porte d’entrée idéale pour les lecteurs désirant se lancer dans les comics de guerre ou bien pour ceux qui désirent en savoir plus sur le Débarquement de juin 1944.

(image © Vertigo, Urban Comics)

Six jours est un comics publié en France par Urban Comics.