
L’Enfer selon Poppy n’est pas seulement un comics étrange. C’est une plongée à la fois kitsch, intime et grinçante dans les enfers de la pop culture. Co-écrit par Moriah “Poppy” Pereira (oui, celle qui vous faisait flipper dans ses clips) et Ryan Cady, ce comics entremêle confessions déguisées et fantasmagorie gothique, sur fond de descente aux enfers très littérale.
Le pitch est simple : Poppy se réveille en enfer. Mais un enfer en sept cercles qui ressemblent fort à l’industrie musicale. Derrière les démons et Lucifer se cache une critique assez frontale du système qui broie les artistes et les transforme en produits. Si vous avez suivi les tensions entre Poppy et Titanic Sinclair, ou le procès de Mars Argo, vous savez que cette histoire cache de vrais cicatrices.

Une BD pop, métal et très personnelle
L’Enfer selon Poppy se savoure comme une friandise vénéneuse. On y trouve des monstres grotesques, des créatures cauchemardesques et une héroïne kawaii qui tranche dans le l(h)ard à la manière d’une Sailor Moon sous LSD. L’esthétique est signée Amilcar Pinna et Zoe Thorogood, deux artistes au style très contrasté mais ici parfaitement complémentaires. Zoe Thorogood apporte la douleur en finesse ; Amilcar Pinna se charge de l’enfer.
Mais derrière les délires visuels, il y a du vécu. Et c’est là que L’Enfer selon Poppy surprend. Au détour d’un dialogue ou d’une punchline, la BD touche à une sincérité brute, rarement vue chez les artistes propulsés par YouTube. Poppy ne règle pas ses comptes : elle s’en libère. Et c’est ce qui donne sa force au récit.

L’Enfer selon Poppy : satire de l’industrie musicale
Soyons clairs : L’Enfer selon Poppy n’est pas une lecture anodine. Si vous avez été bercé par les documentaires Netflix sur Britney ou Taylor Swift, vous y retrouverez les mêmes mécanismes : manipulation, contrôle de l’image, déshumanisation. Sauf qu’ici, c’est présenté à travers des cercles infernaux où le Diable s’habille en agent de label.
Le parallèle est bien trouvé : à chaque niveau de l’enfer correspond un niveau de compromission. Et plus Poppy descend, plus elle retrouve des morceaux d’elle-même qu’elle avait perdus. Loin d’une vengeance, le récit propose une forme de résilience, et même d’émancipation artistique. C’est cru, parfois naïf, souvent touchant.

Métal, mythe et métaphores : une narration audacieuse
Le récit alterne entre introspection et baston sanglante. Parfois, Poppy cogne des démons. Parfois, elle cogne ses souvenirs. Mais la narration garde un cap : celui d’un voyage initiatique. Il y a un vrai plaisir à suivre cette héroïne à la fois mannequin, androïde et survivante. Et même si certains dialogues sont un peu lourds, l’ensemble reste fluide.
La narration n’est jamais gratuite. Chaque cercle de l’enfer est un écho aux expériences de l’autrice. Chaque monstre rencontré n’est pas juste un obstacle, mais un symbole. Et si parfois la métaphore est un peu épaisse, elle tape juste. Il faut dire que dans ce genre d’univers, la subtilité n’est pas toujours un atout.
L’Enfer selon Poppy : un exutoire pop et féministe
Ce qu’on retient surtout de L’Enfer selon Poppy, c’est sa voix. Une voix unique, hybride, qui rappelle que la bande dessinée peut être un exutoire aussi puissant qu’un album ou une scène. En assumant son esthétique étrange, ses démons intimes et son féminisme brutal, Poppy livre une œuvre à la fois dérangeante et nécessaire.
Ce n’est pas une lecture pour tout le monde. Il faut accepter l’absurde, les références à moitié cryptées, les ruptures de ton. Mais si vous aimez les récits où l’intime se pare de fantastique pour mieux se raconter, L’Enfer selon Poppy vaut franchement le détour.

L’Enfer selon Poppy est un comics publié en France par les éditions Blueman. Il contient : Poppy’s Inferno.