J’adore ce passage : les belles amours adolescentes de Tillie Walden [avis]

J'adore ce passage Tillie Walden
(image © Avery Hill Publishing)

À travers les 60 planches de J’adore ce passage, Tillie Walden raconte la naissance des sentiments entre 2 jeunes adolescentes, Elizabeth et Rae, au sein d’une petite ville américaine. Un comics tendre, subtil et mélancolique.
■ par Fletcher Arrowsmith

 

J'adore ce passage Tillie Walden
(image © Avery Hill Publishing, Gallimard)

 

J’adore ce passage, I love this part en VO, est la 2e œuvre de la jeune prodige américaine Tillie Walden (elle est née le 4 mai 1996). Publié en 2015, le roman graphique J’adore ce passage parait chez l’éditeur indépendant Avery Hill Publishing. Il précède Spinning et Dans un rayon de soleil, disponible également chez Gallimard. Tillie Walden a remporté le prix Ignatz du nouveau talent prometteur pour J’adore ce passage. On y retrouve ce qui fait le succès et également la singularité de Spinning et Dans un rayon de soleil, romans graphiques plus matures et complets. S’immerger dans J’adore ce passage, c’est comprendre les 1er pas d’une surdouée du 9e art tout en offrant rétroactivement un regard neuf au reste de son œuvre.

 

J'adore ce passage Tillie Walden
(image © Avery Hill Publishing, Gallimard)

 

La complexité des sentiments

Tout simplement, sans fioriture, avec la légèreté d’une plume, Tillie Walden dessine l’histoire d’amour d’Elizabeth et Rae, deux jeunes adolescentes inséparables. La simplicité apparente de la construction de J’adore ce passage renforce la complexité d’une attirance naissante entre les 2 adolescentes. La simplicité, Tillie Walden l’exprime tout le long de son récit. Seulement 60 planches composent ce touchant récit divisé en 2 parties distinctes représentant l’avant et l’après, la fulgurance puis la douleur. Simplicité des décors ; une ville, une table, des montagnes, un couloir d’école en arrière champs la plupart du temps ; Tillie Walden situe son récit dans une petite ville américaine, tout ce qu’il y a de plus banale. Comparé à Spinning et Dans un rayon de soleil, le scénario de J’adore ce passage est moins poussé, moins complexe. A contrario on prend son temps pour apprécier ces instantanés de vie dans cette histoire simple mais puissante. Comme Elizabeth et Rae, nous sommes invités à tenter de figer ces moments si particuliers en admirant dans chaque planche les dessins de Tillie Walden.

 

J'adore ce passage Tillie Walden
(image © Avery Hill Publishing, Gallimard)

 

G teme, moi ossi

Dans J’adore ce passage, Tillie Walden assume sa narration jusqu’au bout et capte l’évanescence de l’adolescence, période cruciale et brutale de la vie. Tout est simple et pourtant si compliqué comme le montre les 2 parties de l’histoire d’amour d’Elizabeth et Rae. Compliqué de faire le 1er pas, de comprendre et d’accepter cette attirance soudaine qui va au delà des moments de camaraderie où on partageait presque tout de la banalité des discutions quotidiennes, aux balades en montagne jusqu’à l’écoute des morceaux musicaux en partageant les écouteurs. Et puis vient le temps de l’incompréhension, de l’éveil. C’est cela l’amour ? C’est si dur quand cela se termine ? Âgé d’à peine 19 ans quand elle dessine J’adore ce passage, Tille Walden sort à peine de l’adolescence. Sa maturité à construire une histoire et son coup de crayon affirmé l’aide à nous faire comprendre ce qu’une adolescente peut ressentir. Tillie Walden n’hésite pas à utiliser le langage SMS, les couloirs du lycée ou bien le partage des écouteurs comme marqueurs et codes d’un passage de la vie fascinant et fulgurant.

 

J'adore ce passage Tillie Walden
(image © Avery Hill Publishing, Gallimard)

 

60 aquarelles

Dans J’adore ce passage, Tillie Walden utilise l’aquarelle sur chaque planche avec seulement un dessin car chaque moment vécu est unique tel des instantanés. Parce qu’un tel amour ne se prévoie pas, que la naissance des sentiments submerge Elizabeth et Rae, Tillie Walden utilise peu de couleurs, seulement du noir et des dégradés de violets en contraste avec le blanc des pages. Les tons violets apparaissent comme des couleurs chaudes mais dégagent également des impressions de mélancolie et tristesse. Pour imager l’importance de la présence de l’autre, double parfait, la dessinatrice choisie d’agrandir démesurément ses 2 héroïnes vis à des décors. Elle nous projette ainsi dans leur monde où elles sont toutes, dominatrices du monde qui les entoure reléguée en arrière champ, routes comme canyons au sens propre et figuré. Contemplatif et avare de texte, Tillie Walden saupoudre ses planches de mots, de phrases, de texto, de banalité qui unissent un peu plus les 2 jeunes filles passées de meilleurs amis à amoureuses.

 

J'adore ce passage Tillie Walden
(image © Avery Hill Publishing, Gallimard)

 

Une édition française soignée

Avec J’adore ce passage, Gallimard poursuit sa politique de soutient d’auteur indépendant qui ont un regard différent. Publié sous format cartonné, J’adore ce passage est donc la 3e œuvre publiée en France de Tillie Walden mais sa 2e chronologiquement. Ceci peut expliquer une légère déception après Spinning et Dans un rayon de soleil. Gallimard respecte la publication originelle en proposant J’adore ce passage au format comics (24 cm x 17 cm) et en faisant un objet simple mais qui a sans aucun doute sa place dans votre section indé ou roman graphique de votre bibliothèque. ■

J'adore ce passage Tillie Walden
(image © Avery Hill Publishing, Gallimard)

J’adore ce passage est un comics publié en France chez Gallimard.