Grass Kings, tome 2 : l’incroyable polar en milieu rural de Matt Kindt [avis]

(image © BOOM ! Studio)
Temps de lecture estimée : 4 min.

Avec Grass Kings, Matt Kindt écrit un polar dans l’Amérique profonde. Un suspense porté par les superbes aquarelles de Tyler Jenkins.
■ par Fletcher Arrowsmith

 

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Grass Kingdom est une communauté qui vit recluse en marge de la société quelque part en Amérique. En infraction aux yeux de la loi, un conflit éclate avec le shérif local, quand sa femme s’enfuie pour trouver refuge auprès de Robert, l’un des 3 frères dirigeant Grass Kingdom. Ce conflit permet à Robert de reprendre du poil de la bête, lui qui était tombé au fond du trou suite à la disparition de sa fille, peut être victime d’un serial killer local…

 

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Un polar âpre en pleine nature

Dès le départ du tome 2 de Grass Kingdom, on se demande à quelle époque on se trouve et si c’est bien une suite directe ou un autre récit. Matt Kindt nous bluffe du début à la fin. À la fin du 1er tome de Grass Kings, Matt Kindt laisse une situation tendue. On s’attend à lire la suite des conséquences de l’affrontement en approfondissant des thèmes tels que l’écologie ou la politique. Malgré la violence d’une guérilla urbaine, le 1er tome était imprégné d’une certaine poésie liée à la nature des lieux et l’empathie évidente pour les marginaux de Grass Kingdom. Dans Grass Kingdom tome 2, la conclusion est tout autant surprenante mais incomplète. Beaucoup de questions restent encore sans réponse, justifiant pleinement une troisième partie que l’on pressent bien nerveuse.

 

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Le ver est dans le fruit

Cette 2e partie de Grass Kingdom surprend en distillant une ambiance oppressante. Matt Kindt (Dept H, Du sang sur les mains, Ninjak, Divinity) renoue avec son genre de prédilection, le polar. Il détourne l’attention du lecteur comme des personnages principaux en les entrainant sur des impasses. Virage à 180 degrés, nous assistons finalement à la traque du possible serial killer, évoqué dans le 1er tome, à travers la mort suspecte d’une institutrice quelques années auparavant. Comme dans un bon vieux polar, les masquent tombent. Chaque épisode voit un enquêteur différent et à travers eux autant de portait nous permettant de faire plus connaissance avec les habitants de Grass Kingdom. Leur passé dévoile les raisons de leur ralliement à cette communauté. Construisant Grass Kingdom comme un puzzle, Matt Kindt varie les points de vue dans une structure narrative intéressante à base de flashbacks. Chaque suspect se transforme à son tour en enquêteur dans les numéros qui suivent. La marginalité des autochtones de Grass Kingdom se révèle au fur et à mesure qu’est mis à mal l’utopie rêvée entre aperçu dans la première partie. Matt Kindt apporte un côté biblique à son histoire, la victime pouvant être considéré comme une Eve apportant le péché dans le jardin d’Eden. Par contre le scénariste canadien écrit de joli portrait de femme, elle aussi à la recherche du serpent.

 

(image © BOOM ! Studio)

 

Une atmosphère sublimée par Tyler Jenkins

Grass Kingdom prend vie avec les aquarelles de Tyler Jenkins (Peter Panzerfaust, Black Badge) qui assurent également la mise en couleur aidé par sa femme Hilary Jenkins. Economie des traits, couleurs naturelles, Tyler Jenkins fait beaucoup avec peu. Chaque page se présente comme des tableaux minimalistes allant droit à l’essentiel. Une goutte de peinture suffit à représenter un lac ou une forêt. Mais l’illustrateur canadien sait être précis, accordant de l’importance aux attitudes des personnages, à leurs habits où quand il faut dessiner un os sculpté avec détails au premier plan. Tyler Jenkins aimant illustrer la nature et les environnements naturels, Grass Kingdom se trouve être un parfait terrain de jeu pour étaler ses pinceaux sur des toiles vierges.

 

(image © BOOM ! Studio)

 

Une belle édition, complète et ludique

L’ouverture de Grass Kings tome 2 se fait sur une superbe double page dévoilant la ville vu du ciel et leurs habitants en médaillon. En complément des 5 épisodes de Grass Kings, Futuropolis publie également les différentes couvertures. Celles de Matt Kindt sont les plus intéressantes. Matt Kindt aime perturber nos sens en utilisant de façon surprenante le format comics. Dans Mind MGMT, au-delà du thème, des bribes de textes comme des messages codés, se trouvent dans les liserés des pages. Dans Du sang sur les mains, Matt Kindt va même jusqu’à bruler une page du livre devant vous. Avec Grass Kings il s’amuse avec les covers. Dans le 1er tome elles forment une histoire du meurtre (l’acte) à travers les époques. Ici c’est des parodies de roman policier avec les personnages du Grass Kingdom complétées avec quelques mots chocs. Également présent, des photos de l’atelier de Tyler Jenkins permettant d’apprécier un peu plus son travail. ■

(image © BOOM ! Studio, Futuropolis)

Grass Kings tome 2 est publié en France chez Futuropolis.