Longtemps discret dans les bacs français, « Et maintenant on l’appelle El Magnifico » ressort aujourd’hui en édition Blu-ray / DVD grâce à BubbelPop’ Édition, avec un joli lot de bonus pour accompagner ce western comique à la croisée du slapstick et de la chronique nostalgique du Far West. Pour beaucoup des quadras qui avons grandi avec Bud Spencer et Terence Hill, l’annonce avait forcément un parfum sucré de madeleine de Proust. Mais la question demeure (et c’est celle que cet article va éclairer) : El Magnifico mérite-t-il sa place dans votre vidéothèque ? Cette édition vaut-elle le coup ? Et surtout : comment ce film s’inscrit-il dans l’héritage laissé par la saga Trinita ? On fait le point… avec tendresse, humour et un œil critique de quadra qui a déjà « usé » quelques VHS.
Résumé de l’intrigue
Tom Moore (interprété par Terence Hill) étudie dans une prestigieuse école britannique jusqu’au décès de son père, un cow-boy respecté de l’Ouest. De retour au pays, Tom découvre que son paternel fréquentait trois rustres aux manières douteuses : Bull, Holy Joe et Monkey. Déçu de ces fréquentations, il tente de les civiliser, sauf qu’au Far West, ce n’est pas vraiment ainsi que les choses fonctionnent. Plutôt que d’obéir, les compères décident d’apprendre à Tom comment devenir un véritable cow-boy. Entre incompréhension culturelle, gags qui fusent et réajustement (brutal) de ses principes, commence alors un voyage initiatique plein de tendresse et de coups de poing (évidemment) …

Terence Hill à contre-emploi : le grand charme d’El Magnifico
Il faut le reconnaître : El Magnifico (en vo, le film s’intitule : E poi lo chiamarono Il Magnifico) ne cherche pas à refaire Trinita , quand bien même il a été pensé au départ pour en être le 3e volet. Ici, Terence Hill campe un aristocrate naïf, fragile, et parfois ridicule. Et ça fonctionne ! Au lieu du pistolero sûr de lui, on découvre un personnage qui survit plus grâce à l’ironie qu’au colt. C’est doux, c’est malin, c’est différent. Cette relecture « pacifique » du héros de western apporte un ton inattendu, presque poétique par instants, servi par la malice naturelle de l’acteur italien. Ceux qui connaissent Terrence Hill surtout dans ses bastons burlesques seront peut-être surpris (agréablement, la plupart du temps).

Un western comique mais nostalgique, entre humour et poésie champêtre
El Magnifico, c’est la rencontre improbable entre slapstick, western spaghetti et une atmosphère bucolique et contemplative. Les paysages verdoyants de Yougoslavie remplacent les décors poussiéreux habituels, la bande-son signée De Angelis glisse vers la mélancolie et le film semble vouloir dire quelque chose : l’Ouest s’éteint peu à peu, la modernité arrive (le train n’est jamais loin), les cow-boys s’effacent pour devenir des souvenirs. Le film amuse, mais il regarde l’horizon avec une certaine émotion nostalgique. Pas un simple divertissement donc, mais un adieu tendre à un genre entier.

Baston, cascades et gags : le fun est là, même si tout ne fait pas mouche
Soyons honnêtes : l’humour reste efficace mais inégal. Certains gags cartoonesques fonctionnent encore parfaitement (dont un vélo qui restera dans les mémoires), d’autres peinent à provoquer autre chose qu’un sourire poli. Les bagarres sont un vrai plaisir, chorégraphiées avec générosité, tables qui explosent et cascadeurs qui s’en donnent à cœur joie. Mais sans Bud Spencer, l’énergie n’est pas la même. On sent parfois un léger manque de punch dans ces scènes pourtant emblématiques du duo.

Une édition Blu-ray / DVD généreuse et idéale pour (re) découvrir le film
Là où cet édition devient particulièrement intéressante, c’est dans son édition physique. BubbelPop’ propose un combo Blu-ray + DVD, un livret de 28 pages (« Des yeux couleur d’enfant » – quel superbe titre !), ET deux modules vidéo passionnants :
• « On l’appelle El Magnifico », analyse par Jean-François Rauger (29 min)
• « Entre western et comédie : la signature Terence Hill », réflexion par Philippe Lombard (30 min)
On parle donc d’une édition sérieuse, pensée pour les cinéphiles, pas d’un simple transposition jetée sur un disque. De quoi prolonger l’expérience et replacer le film dans l’histoire du western comique italien.
Qualité vidéo/audio : un master propre mais perfectible
L’image gagne nettement par rapport aux anciennes diffusions TV. Les couleurs ressortent mieux, les paysages y gagnent une douceur agréable. Quelques plans restent un peu mous, on sent que la restauration n’est pas 4K cinéma, mais pour un film de 1972, le résultat reste très satisfaisant. Niveau son, les pistes font le job : dialogues clairs, musique toujours en avant, rien à signaler si ce n’est une balance parfois inégale sur certaines scènes mouvementées.

Conclusion : El Magnifico, un western mineur… mais un plaisir certain
El Magnifico n’est peut-être pas le chef-d’œuvre, ni même le film le plus explosif de Terence Hill. Mais il demeure un western comique charmant, tendre et nostalgique, qui revisite les codes plutôt qu’il ne les répète. On y rit, on y sourit, on y sent un cinéaste qui ferme une page, doucement. Avec son édition Blu-ray/DVD riche en bonus, c’est probablement la meilleure façon de (re)découvrir ce morceau d’histoire du western spaghetti. Pas indispensable à tout prix… mais précieux pour qui aime le genre et son héritage.