Pourquoi il faut lire « Wonder Woman & Harley Quinn : La souffrance et le don », la nouvelle création Urban Comics ?

Wonder Woman & Harley Quinn : La souffrance et le don
Temps de lecture estimée : 4 min.

Réunir Diana de Themyscira et Harleen Quinzel, ce n’est pas nouveau, cela a même déjà été fait plusieurs fois (Harley’s Little Black Book, dispo en VF, ou l’inédit Wonder Woman : Agents of Peace par exemple). Mais se faisant rencontrer ces deux héroïnes, on sait que ça va clasher, OK, mais aussi que ça peut donner des scènes étonnantes et originales. Dans Wonder Woman & Harley Quinn, Sylvain Runberg (Millenium, Capitaine Flam) et Miki Montlló (Witcher, Warship Jolly Roger) font le pari de du grand écart. L’idée est simple : confronter l’incarnation de la rigueur amazone à la douce démence de la copine du Joker par excellence. Et étonnamment, ça fonctionne. Le récit se nourrit de ce contraste, sans jamais tomber dans la caricature, et c’est bien là sa force.

Le pitch ? Harley débarque sur l’île de Themyscira, blessée et poursuivie par les fantômes de son passé (et pas seulement celui du Joker). Forcément, ça coince : Hippolyte incarne la tradition et la méfiance, mais Diana choisit la voie du dialogue. Mais l’arrivée d’Harley n’est pas le seul évènement qui bouscule le calme de l’île : en effet, une amazone est enceinte et refuse de livrer le nom du père. Il n’en faut pas plus pour déchirer les habitantes de Themyscira… À travers la rencontre improbable du titre, le récit questionne à la fois la sclérose d’une société trop figée et la possibilité pour chacun de trouver une seconde chance.

Quand DC se met à l’européenne

On sent très vite que Wonder Woman & Harley Quinn n’est pas un produit calibré par les canons habituels de DC Comics. Sylvain Runberg l’assume : son écriture s’ancre dans la bande dessinée franco-belge, où l’on aime greffer au récit d’action des thématiques sociales et politiques. Ici, il est question de féminisme, d’écologie, de transmission, bref de tout ce qui travaille notre époque. Oui, Harley qui discute réchauffement climatique avec Diana, ça peut surprendre. Mais croyez-moi, l’alchimie opère.

Miki Montlló, lui, s’autorise une approche graphique hybride. Ses planches mêlent la fluidité européenne à l’énergie du comicbook américain. Résultat : un rendu dynamique, qui reste lisible même quand l’action s’emballe. C’est beau, c’est nerveux, et ça se démarque assez des productions plus « formatées » qu’on trouve d’ordinaire dans les rayonnages.

La folie d’Harley face à la rigueur amazone

Ce qui frappe, c’est la façon dont Harley Quinn est utilisée. Pas question d’en faire juste la fofolle de service : Sylvain Runberg la décrit comme un élément perturbateur nécessaire. Dans une société amazone figée dans ses traditions, Harley incarne l’inattendu, le grain de sable qui oblige à repenser les évidences. Et c’est là que le récit devient intéressant : quand l’imprévisible se heurte à l’ordre établi, ça fait bouger les lignes.

Wonder Woman, fidèle à sa mission d’ouverture et de compassion, choisit de donner sa chance à Harley, quitte à s’opposer à sa propre mère. Une décision qui a évidemment un coût, mais qui donne au récit une profondeur inattendue. Derrière les bastons et les punchlines, on parle surtout de tolérance, de risque, et de la difficulté de faire confiance.

Les réussites et les limites de l’album

Soyons clairs : Wonder Woman & Harley Quinn est une jolie réussite. Le duo Diana-Harley fonctionne à merveille, les dialogues claquent, et l’histoire sait surprendre là où on attendait un simple buddy-movie. L’approche européenne permet d’ancrer des thématiques pas toujours traitées de front chez DC, sans jamais ralentir l’intrigue. Et graphiquement, c’est solide : Miki Montlló livre un travail qui allie puissance et lisibilité, avec quelques pleines pages qui claquent sévère. Et le récit fait quelques clins d’œil aux films de Patty Jenkins ou de Christopher Nolan.

Alors oui, tout n’est pas parfait. Le récit, parfois, donne l’impression de vouloir traiter trop de choses à la fois (féminisme, écologie, transmission mère/fille, rédemption d’Harley…). Certains lecteurs auraient sans doute préféré un récit plus centré, plus simple. Et Harley Quinn, malgré sa belle écriture, conserve encore des tics un peu usés. Mais franchement, pour un one-shot qui tente un tel grand écart, c’est une lecture qui vaut largement le détour.

Wonder Woman & Harley Quinn : La souffrance et le don est un comics de 128 pages publié en France par Urban Comics.




A propos Stéphane 763 Articles
Stéphane Le Troëdec est spécialiste des comics, traducteur et conférencier. En 2015, il s'occupe de la rubrique BD du Salon Littéraire. Ses autres hobbys sont le cinéma fantastique et les jeux. Enfin, et c'est le plus important : son chiffre porte-bonheur est le cinq, sa couleur préférée le bleu, et il n’aime pas les chats.