Robinson à Pékin : Carnets de route des tribulations d’un journaliste français en Chine

(image © Urban Graphic)

En 1987, Eric Meyer devient le 1er journaliste français à travailler comme pigiste en Chine. Entre la découverte d’une nouvelle culture et les embûches liées à son métier de journaliste, ce témoignage, mis en image par Aude Massot, conduit aux terribles événements de la place de Tian’anmen en juin 1989. Après Deux Frères, American Gods ou C’est un oiseau, la collection Urban Graphic élargie encore un peu plus son horizon en repoussant les frontières de la bande dessinée avec Robinson à Pékin.
■ par Fletcher Arrowsmith

 

Deux ans dans la vie d’un expatrié

Éric Meyer arrive à Pékin le 5 septembre 1987. Dans Robinson à Pékin, pavé de 192 pages, nous suivons pendant près de 2 ans les 1ers pas du journaliste dans une Chine qui s’éveille à peine au monde. La particularité d’Eric Meyer est de devenir le 1er journaliste indépendant, free-lance, ce qui forcément n’est pas vu d’un bon œil par les autorités chinoises. C’est en cela que se distingue Robinson à Pékin car il nous plonge dans un passé pas si lointain, la fin des années 1980, mais avec la vision d’un expatrié qui va devoir se faire sa place dans un milieu assez hostile et surtout très exotique, le laissant plus d’une fois seul dans des millions de kilomètres carrés. Une aventure des plus totales dans le pays le plus peuplé du globe.

 

Robinson à Pékin
(image © Urban Graphic)

 

Scènes de vie chinoise

Lire Robinson à Pékin c’est feuilleter l’équivalent de 3 bandes dessinées. Après 2 textes introductifs de Jean-Paul Ribes et Cyrille J-D Javary, Éric Meyer décrit la Chine des années 1980 à travers ses expériences. Ainsi on suit d’abord les périples de son aménagement puis acclimatement de Paris à Pékin, d’ambassade en appartement de connaissances. Puis Eric Meyer dresse un portrait de Jenny Lou, une marchande de semences et légumes, ou encore de son employée de maison. On apprend l’existence des Piao, les tickets de rationnement puis du flying pigea, la Rolls Royce des vélos. Sans vous en dévoiler plus, c’est autant de scènes de la vie quotidienne qui nous en apprennent plus sur le pays de Mao car Éric Meyer se déplace également notamment à Honk Kong ou dans la province de Shandong. Le tableau reste entrecoupé de passages plus romancés et souvent humoristiques de ses mésaventures et les 1001 façon de les contourner surtout quand l’administration s’en mêle.

 

Robinson à Pékin
(image © Urban Graphic)

 

Tian’anmen ou le « mai 68 chinois » d’Éric Meyer

Puis dans une partie plus longue, le cadre étant enfin posé, le lecteur voit sa récompense arriver avec les événements de la place Tian’anmen se déroulant entre le 15 avril et le 4 juin 1989. Éric Meyer nous fait vivre les événements de l’intérieur mais surtout du point de vue d’un journaliste étranger qui va braver les interdits pour s’offrir le reportage de sa vie. Cela ne s’arrêtera pas aux chars et nous vibrons également à travers les conséquences pour sa carrière mais aussi son couple (sa femme Brigitte est alors enceinte) et les possibilités de fuite. C’est assurément le moment fort de Robinson à Pékin, avec un traitement intéressant car le journaliste n’oublie pas d’exposer le climax en revenant sur les origines de la révolution étudiante.

 

Robinson à Pékin
(image © Urban Graphic)

 

Carnet de voyages

Faute de pouvoir voyager dans ce monde covidé, la dessinatrice de Robinson à Pékin nous propose une excursion par procuration. Dans la « troisième et dernière » partie, Aude Massot conclue Robinson à Pékin sous la forme d’un carnet de voyage d’une dizaine de pages. Ses somptueuses aquarelles accompagnent ses textes, récit de son voyage en Chine, réalisé en mai 2018 pour s’acclimater à l’adaptation du livre d’Éric Meyer. Plus libre, sans contraintes, ses images témoignent de son talent à croquer les moments présents et les paysages en laissant une dernière forte impression à une bd assez singulière qui peut diviser.

 

Robinson à Pékin
(image © Urban Graphic)

 

Une adaptation intéressante mais frustrante

Je n’ai pas été complétement convaincu par Robinson à Pékin. Les dessins d’Aude Massot, que j’avais découvert avec Québec Land, m’ont enchanté tout le long et spécialement dans son carnet de voyage. Ses aquarelles mettent parfaitement en image le livre témoignage d’Éric Meyer, en sachant saisir les moments forts avec une pointe d’humour parfaitement dosée notamment dans les réactions des divers protagonistes, et cela sans jamais tomber dans une approche caricaturale. Non, ce qui m’a dérangé c’est que finalement Robinson à Pékin reste une adaptation. Certes du livre même d’Éric Meyer mais on passe d’un support livre-reportage à un format bande dessinée. Je n’ai pas lu le livre original donc je ne peux pas comparer mais on passe quand même plus de la moitié de Robinson à Pékin à découvrir trop rapidement des scénettes de vie, sans lien entre elles car il n’y a pas ou si peu de fil directeur. Quand arrive enfin les événements du « printemps de Pékin » le récit s’accélère et adopte enfin une trame romancée avec des péripéties. Mais c’est presque trop tard. Robinson à Pékin est une adaptation qui hésite sur le chemin à prendre, Éric Meyer prenant le risque de perdre des lecteurs. La mise en image, aussi belle soit elle ne suffit pas à rendre une bande dessinée, avec ses codes, incontournables. Amies lectrices, copains lecteurs, soyez donc averti même si finalement la lecture reste plaisante et quoi qu’il arrive on en apprend quand même plus sur la Chine et ses habitants. ■

Robinson à Pékin
(image © Urban Graphic)

Robinson à Pékin, journal d’un reporter en Chine est une bande dessinée publiée en France par Urban Graphic.